Bordeaux Aquitaine Marine

Le commerce de Bayonne en 1765

Extrait de Savary des Brûlons, Jacques & Philémon-Louis - Dictionnaire universel de commerce, d'histoire naturelle, & des arts - 1765, page 102 “Les Habitans de Bayonne, comme on l'a insinué ci-devant, font un Commerce d'une assez grande réputation avec une partie des Sujets de S. M. Cath. particulièrement dans la haute Navarre, dans l'Arragon, & dans la Biscaye. Cette Ville est située à la jonction de l'Adour & de la Nive, ce qui lui fait un port très sûr & très commode, & lui facilite toutes les différentes pêches qui sont un des principaux objets de son négoce. Les marchandises de France, qui sont propres pour la haute Navarre, sont des draperies de Montauban, entr'autres, des bayettes (1) , des serges, des cadis (2), des ratines (3), & des burats (4) ; des toiles, comme celles de Bretagne, de Laval, de Cambray, & de S. Quentin ; & encore <les toiles teintes d'Allemagne, de Rouen, & de Rheims, des dentelles or & argent, fin et faux, qui se fabriquent à Lyon & des étoffes de soie de la même Ville, & d'Avignon, & quelque peu de Tours; quantité de quincaillerie, qu'on tire de Forez, toutes sortes de merceries particulièrement des soies à coudre, des bas, des passemens de fil, & généralement toutes fortes de guipures (5) de fil & de soie, qui se font à Lyon; quantité de marchandises de Lille, de Tournay, de Valenciennes, & d'Amiens, principalement des camelots (6), des ligatures, & des barracans (7); beaucoup d'épiceries, drogueries, sucres, & cassonades; des cires des Landes, & de celle de Hollande; enfin, du poisson frais & salé, tels que sont la morue, le saumon, les colacqs, les anguilles, & les rousseaux. le port de Bayonne au 18e siècle (par Garneray) Le cacao des Isles, & celui qui par distinction est appelle cacao de Caraque, ne doivent pas être oubliés parmi les épiceries & les drogues, dont les Marchands de Bayonne font commerce avec l'Espagne. Les Espagnols tirent cette marchandise par la voie de la Navarre; & l'on compte qu'année commune, il leur en faut au moins 12000 quintaux. Les Navarrois donnent en retour de ces marchandises, des laines de Castille, d'Arragon, & de Navarre : de la réglisse, de l’huile d'olive, des vins, & du fer; & le plus souvent les payent en or ou argent monnoyé, en vieille vaisselle, & quelquefois en lingots. La meilleure partie des draps qu'on envoye de Bayonne en Espagne, sont des draps d'Elbeuf, de Rouen & de Carcassonne; il s'en consomme aussi quantité de ces trois sortes, ou à Bayonne même, ou dans les autres Villes de Guienne. Le Commerce de Bayonne avec la Biscaye & Guipuscoa, n'est guère différent de celui que les Bayonnois font dans la haute Navarre, & consiste dans l'envoi des mêmes marchandises; avec cette différence, que les Hollandois & les Anglois fournissant à S. Sébastien & à Bilbao, des marchandises à peu près semblables on s'y passe assez aisément d'une partie de celles de France. Ainsi Bayonne ne leur fournit guère que de la draperie de Montauban, de la mercerie & des soieries de Lyon, de la quincaillerie de Forez, &c des toiles de Bretagne: aussi le plus grand Commerce que les Bayonnois fassent de ce côté-là, est celui du bray & de la résine, qu'on y envoye sur des pinasses, qui en rapportent ensuite du fer de Biscaye, des oranges, des citrons, des pierres de meules, & quantité d'or & d'argent, ou en espèces, ou en vaisselle, ou en lingots ; en sorte qu'on voit quelquefois des Maîtres de Pinasses rapporter 15000 & 20000 piastres chaque voyage. Les Ports de Bilbao & de S. Sebastien, sont aussi assez souvent l'entrepôt de diverses sortes de marchandises d'Angleterre & de Hollande, qui y viennent pour le compte des Négocians de Bayonne, sur les vaisseaux de ces deux Nations, lorsqu'ils ne sont pas frétés pour y venir en droiture; & qu'ensuite on fait apporter à Bayonne sur les mêmes pinasses. Le Commerce que les Marchands de Bayonne font avec l'Arragon, est le moindre de tous ceux que Cette Ville entretient avec l'Espagne. Cependant on en rapporte en échange des marchandises qu'on y a envoyé, quantité de balles de laine d’Arragon & de Castille, dont la plus grande partie est voiturée en droiture, par terre, à Rouen, & l'autre à Rayonne, qu'on y charge par mer, pour Nantes & pour la Rochelle, pour les faire ensuite pareillement passer en Normandie. On tire aussi une assez bonne quantité d'huile d'olive d'Arragon, & de vin de Sarragosse. Les marchandises qu'on y porte, sont presque de même qualité que celles qui servent au Commerce de la haute Navarre. La pèche de la morue, & celle de la baleine, sont deux des principaux objets du négoce de mer de la ville de Bayonne. Les bâtimens qu'elle destine à la première, sont ordinairement de 400 jusqu'à 500 tonneaux. Les vaisseaux pour la seconde, sont depuis 130 tonneaux, jusqu'à 300. II y a 20 à 25 navires employés pour la morue, & 12 à 15 pour la baleine. Les Bayonnois faisoient autrefois la pêche de la morue à Plaisance, Sainte-Marie, Les Trépasses, l’île percée, & autres Ports & lieux voisins. Le Traité d'Utrecht y a changé quelque chose ; au lieu de Plaisance, c’est présentement Louis-bourg, autrement le Cap Breton. Leurs retours sont à Bayonne même, à S. Jean de Luz, Bilbao, S. Sebastien, & Bourdeaux. La vente à S. Sebastien & à Bilbao, se fait pour la plupart en argent comptant, le reste en laines laines fines, & quelque peu en fer. Dans la pêche de la baleine, ses Equipages des Vaisseaux ont la moitié de toute l'huile du poisson qu'ils fondent, l'autre moitié est pour le Propriétaire, avec tous les fanons, ou barbes de baleine. Bayonne, Nantes, la Rochelle, & le Havre de Grâce, sont les lieux où les vaisseaux de la pêche Bayonnoise ont coutume de porter les huiles & les fanons provenans de cette pêche. On fait aussi à Bayonne un assez bon Commerce de mâts de navires, qu'on met dans une fosse faite exprès pour les conserver. Ils y viennent par différentes rivières, qui descendent des Pyrénées: de Bayonne, on les envoyé à Brest, & dans les autres ateliers des vaisseaux du Roi. On construit des vaisseaux à Bayonne, & l'on peut les bâtir plus commodément & à meilleur marché, qu'en bien d'autres Ports du Royaume, à cause de la facilité d'avoir des bois & du fer d'Espagne, des chanvres pour les cordages par la Garonne, & du goudron & du bray, qu'on tire des Landes: mais ce ne peut être que des frégates de 40 à 50 pièces de canon, à cause que son Port est un Port de barre, dont l'entrée n'est pas extrêmement profonde. Notes. 1. Fin tissu de laine blanche, noire ou brune. 2. Serge de bas prix. 3. Étoffe de laine ou drap croisé dont le poil est tiré en dehors et frisé de manière à former comme de petits grains. 4. Bure commune et grossière. 5. Sorte de dentelle. 6. Etoffe de poil de chèvre ou de laine mêlée parfois de soie. 7. Tissu en grosse laine utilisé dans la confection des manteaux de pluie.
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