Bordeaux Aquitaine Marine
L’explosion du Pétroléa - 1892
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Sources: Archives Départementales de la Gironde VT 2002/086-
1408
Rapport de l'Ingénieur en Chef Bordeaux le 16 juin 1892 (Extraits).
Le navire Pétroléa de 19 hommes d'équipage, de 1816 tonneaux
de jauge nette, 2331 tonneaux de jauge brute, 89 m 16 de
longueur, 11 m 30 de largeur, appartenant à la Cie « Petroleum
Shipping Co » à Londres, chargé de 2000 tonnes environ de
pétrole brut, en vrac, était venu s'amarrer, cap au jusant, le 13, à
l'estacade construite par M.M. Desmarais au droit de leur usine de
raffinerie de pétrole sur la rive droite de la Gironde, un peu en
amont de Blaye.
Le pétrole était contenu dans 4 compartiments doubles,
juxtaposés, placés entre le poste de l'équipage à l'avant, et la
chambre des machines à l'arrière. Le déchargement du pétrole, à
l'aide de la pompe établie à terre, avait immédiatement
commencé, en même temps que le navire avait été accosté par
cinq gabares chargées du charbon destiné à l'approvisionnement
de ses soutes.
Vers 2 heures du matin, alors que les 2 compartiments extrêmes
avaient été vidés et que le troisième était à moitié vide, une
explosion se fit entendre, bientôt suivie d'une seconde; c'étaient
les 2 compartiments vides qui avaient successivement éclaté
brisant le navire en 3 morceaux, tandis que le pétrole contenu
dans les deux autres prenait feu, l'estacade s'enflammait à son
tour et, des 5 gabares accostées au navire, l'une était coulée par
l'explosion, et les 4 autres, couverte de pétrole enflammé, prenait
feu et partaient à la dérive.
Immédiatement s'organisaient les secours avec l'aide de la
garnison et des pompiers de la ville de Blaye. Un télégramme fut
envoyé au Préfet de Bordeaux. Prévenu à 06 H 25, nous étions à
06 H 45, au ponton d'embarquement.
Le Capitaine du port pris les mesures suivantes qu'il diffusa aux
services intéressés : commissaire général de la marine,
mouvement du port, douanes, pilotage, dragage et pompiers.
Réquisition d'une « Hirondelle » avec pompe à vapeur et de
deux remorqueurs munis des agrès nécessaires pour saisir,
entraîner, mouiller en lieu sûr des épaves enflammées et les
éteindre.
Organisation du personnel du port pour assurer, au premier
ordre reçu, d'une part, l'entrée au bassin à flot, des 15 voiliers
mouillés sur rade de Bordeaux, d'autre- part, le déplacement et le
départ vers l'amont, de la batellerie stationnant dans le port; il y
avait donc à craindre de voir remonter vers Bordeaux les épaves et
le pétrole annoncés.
L' « Hirondelle » munie de la pompe à vapeur était partie à 8 h
00
du
matin commandée par le lieutenant de port Castaing et
montée par un pilote et un lieutenant de pompiers
accompagné de 10 pompiers. Après avoir complété par
quelques détails, les mesures prises et notamment donné à un
remorqueur du service des dragages l'ordre de suivre sur Blaye,
nous nous embarquions sur l'un des bateaux réquisitionnés
avec Mr le Docteur Lande, adjoint au maire de Bordeaux, Mr
Meunier, Ingénieur du 2ème arrondissement, Mr Térigi,
Capitaine de port, Mr Laporte, Commandant des pompiers de
Bordeaux et Mr Labatut, syndic des pilotes.
A notre arrivée en vue du navire, vers 08 h 45, nous
constations que le pont était couvert par la marée et que le
pétrole brûlait à la surface de l'eau sans se répandre, que
l'estacade avait été coupée et que les gabares incendiées
avaient été échouées sur la rive et, sauf une, éteintes non sans
qu'elles eussent communiqué le feu à deux bateaux, échoués à
terre et quelque peu endommagé le ponton du débarcadère de
Blaye. Il n'y avait donc, pour le moment, aucun danger
immédiat à craindre pour la navigation, et à terre où le vent
portait la colonne de fumée au dessus de l'usine même, le
service des secours faisait le nécessaire pour éviter
l'embrasement des bâtiments par les flammes, devenues
d'ailleurs très rares.
Mais il était à craindre que dans les compartiments non brisés
que l'incendie allait vider en échauffant fortement les tôles il
ne se produisit, soit à la marée descendante, soit à la reprise
du flot, de nouvelles explosions, mettant en liberté les 7 ou
800 000 litres de pétrole qu'ils devaient contenir encore. Des
mesures d'ordre furent prises en conséquence, tant à terre que
sur la Gironde. Ces craintes ne se sont pas réalisées.
Les flammes ont pris une grande intensité quand l'eau a laissé
découvrir le pont; à la marée montante, il s'est produit
probablement par la vaporisation de l'eau, quelques explosions
sourdes, qui ont eu pour effet de mettre à la fois en liberté une
quantité de pétrole assez grande pour que les flammes se
répandissent à 50 ou 60 m du navire, mais sans aller plus loin.
Il n'y avait plus dès lors de mesure générale à prendre dans
l'intérêt de la navigation et nous sommes repartis vers 5 h 1/2,
laissant l' « Hirondelle » avec sa pompe à vapeur, son équipage
et 4 pompiers sous les ordres du lieutenant de cette arme et
sous la direction de lieutenant de port, M. Castaing.
Les phénomènes que nous venons de décrire pour la basse-
mer de jour se sont produits à la basse- mer de nuit avec la
même intensité d'ailleurs, si bien que l' « Hirondelle » a dû
passer la nuit sur les lieux du sinistre et n'est revenu qu'à la
pleine-mer suivante