Bordeaux Aquitaine Marine
Les sècheries de Bègles
Alain Clouet
Il faut attendre la fin du 18
e
siècle, pour que les ports français commencent à
sécher eux-mêmes. Jusqu'alors, la morue était salée ou séchée sur place et était
ramenée de Terre-Neuve dans cet état. Dorénavant, la morue allait pouvoir être
ramenée en France sans passer par la période de séchage sur les côtes de Terre-
Neuve.
Dans ce contexte, pourquoi Bègles est-il devenu une place importante dans ce
domaine ? En dehors de tout contexte économique, des conditions naturelles
existaient permettant cette industrie. Tout d'abord, un climat autorisant un
séchage au soleil plus favorable que sur les côtes bretonnes, ensuite
l'emplacement des prés autour de Bègles arrosés par de nombreux petits cours
d'eau fournissant une eau gratuite et abondante nécessaire au lavage des
morues. Par ailleurs, l'arrivée du chemin de fer va naturellement faire de
Bordeaux une plateforme de redistribution pour l'Europe du sud.
Les sècheries étaient au nombre de 6 en 1847. Elles seront 15 en 1880,
employant 300 personnes. En 1907, Bordeaux possède 30 des 37 sècheries françaises assurant 70% du marché français. Cette avance va être
menacée par la mise en service à Fécamp de sècheries mécaniques à air chaud. Bordeaux ne va pas tarder à répondre en mécanisant lui aussi ses
sècheries.
A la veille de la Seconde Guerre Mondiale, les sècheries de Bègles traitaient 25.000 tonnes de morue par an. Les morutiers bordelais ne
fournissaient même pas la moitié de ce tonnage.
Après la guerre, on retrouve encore 25 sècheries en activité, équipées pour traiter 12 000 tonnes par an. Elles travaillent manuellement, les
poissons sont lavés, salés, passés dans les fosses à saumure, puis séchés. Elles vont cependant remonter la pente et en 1958, elles traiteront 25000
tonnes
En 1960, il y a 27 sècheries à Bègles, mais trois sont véritablement importantes : la "Compagnie Générale des Grandes Pêcheries", "les Sècheries de
morue de la Gironde", et "Sauveroche et Cie".
Mais les techniques évoluent avec l'introduction des tunnels-sécheurs non seulement à Bordeaux, mais aussi dans le nord de la France, provoquant
le déclin du séchage traditionnel au soleil.
En 1990, 4 entreprises subsistent, elles sont équipées pour traiter 12 000 tonnes de poissons pas an. Il n'en reste qu'une aujourd'hui, "Sar'Océan".
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Les sècheries de la fin du 20
e
siècle
▪
Ets Charron et fils aîné
•
Créée en 1909 la société Charron et Puech, séchait les morues
en provenance de Terre-Neuve. Son effectif moyen était de 35
ouvriers, essentiellement féminins. En 1990, elle n'en comptait
plus que 7 employés. Dans les années 1980, elle travaillait
essentiellement sur le salage des morues vertes importées des
Pays scandinaves.
▪
Rumeau
•
Sécherie, construite en 1903, où l'on traitait les morues en
provenance de Terre-Neuve. Elle s'était reconvertie dans la
préparation de filets de poissons sous vide. En 1965, elle avait 50
ouvriers, puis seulement 10 en 1990.
▪
Ets Boyer
•
M. Salier construit sa sécherie en 1920. Cette dernière
s'agrandira en 1949 pour se spécialiser dans le lavage et le
blanchiment des morues en vue de faire des filets. Elle compte
alors 25 employés. En 1970, elle se diversifie et investit dans une
nouvelle installation pour la préparation des filets de poisson sous vide. Elle sera rachetée en 1990 par M. Boyer, dirigeant de Sar'Océan, alors
qu'elle ne compte plus que 7 employés
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Sauveroche et Cie.
•
Construite en 1902, la sécherie Sauveroche reçoit les morues d'Islande, salées fraîches sur les chalutiers. A l'atelier, les opérations de lavage,
salage et séchage nécessitaient une main d'œuvre nombreuse, essentiellement féminine (75 salariées en 1955). Elle cesse son activité en
1965.
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Cie Générale des Grandes Pêcheries
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Encore en activité en 1960.
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Sècheries de morue de la Gironde
•
Encore en activité en 1960.
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Sécherie Volpillac.
•
Construite à la fin du 19e siècle, la sécherie était équipée pour traiter la morue verte, en provenance de Terre-Neuve. Vers 1960, l'activité
décline et en 1970, l'atelier ferme ses portes.
1..
La dernière sècherie de Bègles : Sar'Océan
Cette société a été créée en 1843 par M. Varet. En 1920, la commune
compte 30 sécheries à poissons, les morutiers dans le port de
Bordeaux, apportent entre 20 000 et 25 000 tonnes de morues par
ans.
Rebaptisée Ets Boyer, elle prendra ensuite le nom de Sar'Océan. La
Société Sar'Océan, a, depuis 1970, procédé à des améliorations et a
diversifié son activité. Elle se charge du lavage, du salage, du séchage,
de la préparation de plats cuisinés, et exporte en Europe, et dans les
Antilles. En 1983, 1986 et 1989, des travaux d'agrandissement ont
d'ailleurs été réalisés, 3 tunnels et des chambres froides ont été
installés, une circulation d'air chaud permet un séchage artificiel du
poisson. Cles équipements industriels permettent de produire 2000
tonnes de poissons par an.
En 1990, l'usine occupait 12 0000 m² et employait 19 salariés
permanent et 35 saisonniers du mois d'octobre au mois d'avril. En
2011, Sar'Océan réalise un chiffre d'affaires de 8.5 M€ avec 44
employés.
Actuellement le chiffre d'affaires atteint 20 millions d'euros, dont 15%
à l'export. Elle emploie 75 personnes, et même jusqu' 140 personnes
pendant la saison. La production se répartit entre quatre secteurs :
poissonnerie, plats cuisinés, surgelés et saurisserie. Parmi les poissons
traités, la morue reste bien sur prépondérante.
Alain Clouet