Bordeaux Aquitaine Marine

Les pêches sur le bassin d’Arcachon au 19e siècle

extrait de : Jouannet - Statistiques du département de la Gironde, 1843.

Pêche en mer dite du péougue

La pêche en mer, à cette époque, n’était pratiquée que par quelques bateaux du bassin. Les bateaux utilisés étaient essentiellement des chaloupes , voire quelques tilloles . Les marins de La Teste, de Gujan, de Mestras et de Meyran sont les seuls de ce quartier maritime qui se livrent au péougue. Leurs chaloupes ne perdent jamais de vue la terre ; elles s'en tiennent d'abord à une lieue, s'en éloignent ensuite davantage à mesure que la saison avance, mais presque jamais elles ne vont à plus de trois lieues et demie au large. Les tilloles , et c'est en 1843 le plus grand nombre des bateaux de pêche, ne s'éloignent pas à plus d'une lieue ; elles rentrent tous les jours. La saison de la pêche commence ordinairement du 1er au 15 octobre, et se termine du 15 mai au 1er juin. En 1789, les pêches du péougue occupaient de 16 à 18 chaloupes non pontées, montées de 13 hommes, y compris le patron ; les tilloles ne pêchaient alors que dans l'intérieur du bassin. En 1818, M. Lainé, ministre de l'intérieur, proposa une prime assez considérable à la première chaloupe pontée, expédiée à la pêche sur ces parages: bien des malheurs auraient été prévenus ; mais, soit indifférence, soit empire de l'habitude, en 1826 la prime était encore à gagner En 1826, le nombre des chaloupes était réduit à 7 ; mais 4 ou 5 grandes tilloles faisaient aussi la pêche en dehors du bassin. Cet état se maintint jusqu'au 30 mars 1836, jour fatal où six chaloupes furent englouties avec les 98 marins qui les montaient. Après ce dramatique événement, M. D. Alègre conçut l'utile et généreuse idée de substituer aux chaloupes, des bateaux à vapeur montés chacun de 15 à 17 hommes. Il en a armé jusqu'à trois. Ces embarcations ne laissaient rien à désirer : elles rendaient la pêche plus facile, plus abondante même ; la vie des pêcheurs y était moins exposée, ils trouvaient à bord un meilleur logement, une meilleure nourriture ; mais les frais énormes de l'armement ont amené la chute et la liquidation de l'entreprise. Le dernier de ces bateaux, le Testerin, appartenant à François Legallais, a été désarmé le 2 mai 1839. On n'est pas sans espoir de voir reprendre, sur des bases plus économiques, l'application de la vapeur aux pêches du péougue «Le Grand Malheur» (garvure de Ransonnelle). En 1843, le péougue occupe : 1 chaloupe pontée 1 chaloupe non pontée, montée de 13 hommes. Telles étaient autrefois toutes les chaloupes du péougue. 15 grandes tilloles, du port de 4 tonneaux, montées chacune de 10 hommes. Le péougue se pratique de moins en moins au fil des années et cela pour plusieurs raisons : Des raisons religieuses dues à la moindre observance des vendredis maigres et du carême. Une augmentation du prix du poisson dû à l’augmentation progressive de l’octroi . Une dangerosité permanente dans les passes à la sortie du Bassin, soulignée par la catastrophe du 30 mars 1836. Les conditions météorologues « Les meilleurs vents pour la sortie sont ceux du N.-N.-E. à l'E.-S.-E., pas¬sant par l'E. ; on peut même sortir par tout autre vent, quand il n'y a pas d'apparence de mauvais temps. Le vent du N. est le plus sùr pour la rentrée ; ceux du N.-O., de l'O. et du S.-O. le seraient aussi, mais ils présagent presque toujours grosse mer et mauvais temps. Il arrive même quelquefois que, par un beau ciel, la mer brise à la barre, chose que les pêcheurs reconnaissent aussitôt en mesurant avec une corde la hauteur des lames. S'ils jugent la rentrée impossible, ils abandonnent leurs filets et cherchent un refuge soit à La Rochelle, soit au port du Passage. Dans le cas ils conservent de l'espoir, ils louvoient plus ou moins longtemps, ou bien ils se déterminent à braver les dangers de la passe : alors on amène les voiles, tous sont à leur poste le dos tourné vers la terre ; le patron seul, regardant à l'avant, observe les balises et crie à chaque lame : Gare la lame ! A ce cri, les hommes de l'équipage se cramponnent fortement, le patron lui-même est amarré. S'il manque la lame et qu'elle déferle en dehors, la chaloupe périt corps et biens ; si au contraire elle déferle en dedans, la seule force du courant porte la barque au loin dans le chenal, et l'équipage entonne les litanies de la Vierge. Cette pêche, si pénible et si dangereuse, se fait dans la saison des tempêtes ; aussi est-elle souvent marquée par des désastres. Les années 1808, 1812, 1818, 1821 furent des années funestes, moins pourtant que 1836. L'ouragan qui fit alors périr tant de pêcheurs était parti de l'O.-N.-O. ; c'était aussi du même rumb que vint la tempête qui, en 1818, causa la perte de deux chaloupes , d'une tillole et de trente-quatre marins. Tout vent de la région de l'O., quand il est violent, rend le retour impossible. » Les salaires La rémunération du pêcheur de péougue se fait de deux manières différentes, à la part ou à la traite. La rémunération à la part est le système standard sur les bateaux appartenant à leur capitaine. Ce dernier se réserve un tiers du produit brut de la vente pour ses frais et avances, le deuxième tiers est destiné à sa rénumération, et le troisième tiers est réparti en parts égales entre les hommes de l’équipage. L’équipage est nourri aux frais du capitane armateur. Ce système de rémunération s’applique aux tilloles , rarement aux chaloupes. Le marin gagne de 200 à 250 fr par saison. La rémunération à la traite ne s‘applique qu’aux chaloupes . Elle s’applique à un voyage (départ, durée de la pêche et retour) ; la chaloupe fait en moyenne 40 voyages pendant la saison de pêche ; .les comptes se règlent à Pâques. Chaque marin est nourri par l’armateur. Le produit d’une chaloupe est en moyenne de 11000 fr par saison. Les frais s’élèvent à 7000 fr. Le patron reçoit entre 300 et 1000 fr par saison il reste donc 4000 fr à partager entre les 14 marins de l’équipage soit 285 fr, soit un gain un peu supérieur au marin de de la tillole .

Pêches dans le Bassin

Presque toutes les espèces de poissons que l'on prend au péougue, fréquentent aussi le bassin d'Arcachon. Environ 270 tilloles ou nasses , la plupart d'un seul tonneau, montées chacune d'un pêcheur et plus rarement de deux, s'occupent aux différentes pêches que nous allons indiquer sommairement : Pêche à la grande seine ou la Traina - Elle est pratiquée dans le bassin et sur les côtes de la mer jusqu'à Mimizan. Sur la côte, elle se fait avec des filets de 220 à 240 m manipulées par une quinzaine de marins. Dans le bassin, les filets sont moins longs, donc plus maniables. Le principe en est simple : étendre le filet en bord du rivage, puis rejoindre les deux extrémités pour enfermer le poisson. Cette pêche se pratique toute l’année, mais la saison la plus favorable est depuis la mi-août jusqu'à la fin d'octobre. Pêche du rouget - Sa saison de pêche va du 1er avril jusqu’en juin. Le filet dont se servent les pêcheurs porte à La Teste le nom d'ammaillade. Pêche du touil ou creac de Buch - La saison de pêche du requin s’étale du 1er avril au 1er novembre. Pêche au flambeau Pêche par nuit noire, avec un brasero (le halhas ) fixé à l’arrière de la pinasse, un homme rame et l’autre guette le poisson attiré par la lumière, une foëne à la main. Pêche du carrele t - Elle se pratique du 1er mars au 31 décembre, avec un file t nommé estoueyre . Pêche dite du palet - Cette pêche, nommée ailleurs courtine , se fait de mars en novembre à marée basse : des piquets de 2 mètres sont enfoncés dans la vase des crassats tous les trois mètres environ pour maintenir en hauteur un long filet, attaché dans le bas par des petits piquets de bois en forme de crochets crochets (les gantchots ). Une fois le filet bien placé il est détaché des bâtons et posé sur le sol. Les poissons passent au dessus avec le courant du flot ; quand la mer redescend , le filet est relevé et forme un barrage les poissons se prennent par les ouïes. Quatre ou cinq pinasses s'associent pour la faire ; c'est alors une entreprise à la part. Ce peut être aussi une entreprise de marchand : celui-ci fournit les filets, vend le poisson et rend ses comptes quatre fois par an, à Pâques, à la Saint-Pierre, à la Saint-Michel, à la Toussaint. Il prélève d’abord ses frais, le reste se partage, par portions égales, entre lui et les pêcheurs. Le nom de palet vient de ce que les filets, après avoir été cachés sous le sable, se relèvent sur des piquets. Pêche à la trame, dite sanou - Elle se fait, d'avril à septembre, dans le bassin et sur la côte. Le patron prélève un tiers du produit et partage les deux autres tiers avec l'équipage. Cette pêche se pratique avec des pinasses de 1 ou 2 tonneaux dans le bassin, de 4 tonneaux à la côte. Pêche du royan - On fait la pêche du royan depuis le ter avril jusqu'en juin. Les pinasses qui s'y livrent sont montées de deux hommes. Ils se servent d'un filet très fin et d'un appât nommé gueldre , menu fretin qu'on trouve par myriades à l'embouchure de la Leyre. Le royan est une petite sardine : dans la saison, plus de 60 pinasses font cette pêche. Pêche des mules et louvines - Le filet qui sert à cette pêche est une espèce de tramail à trois nappes, nommé dans le pays, tirolet . La saison dure du ler mars au ler novembre. Pêche des soles - Le nom local du filet employé à la pêche de la sole est celui de jagude : ce filet est posé à demeure dans le chenal. La saison va de mai à octobre. Pêche de la raie – La saison s’étale du 1er novembre au 30 mars. Les pécheurs appellent bijarrère ou finette l'espèce de filet qui leur sert à cette pêche. Pèche des huîtres, des coquillages et des crustacés - Le bassin d'Arcachon abrite deux espèces d'huîtres : l'huître de drague et l'huître de gravette . La première vit dans les chenaux ; son écaille atteint jusqu'à 20 cm de grand diamètre. On les prend à la drague, instrument de fer, en carré-long d'un mètre sur un demi- mètre, armé d'un tranchant de trois doigts. Au milieu se trouve une poche d'environ 1 mètre de profondeur. La drague, au moyen d'un petit câble, s'amarre à une pinasse poussée par deux rameurs. L'huître de gravette se pèche sur les crassats, nom local des bancs qui découvrent au descendant. Parmi les huîtres, on rencontre quelques anomies qui leur sont très ressemblantes. Sur les mêmes fonds, on prend aussi des crabes et divers mollusques.
Bordeaux Aquitaine Marine - (c) tous droits réservés 2012-2023 - Alain Clouet - contact : dossiersmarine@free.fr