Bordeaux Aquitaine Marine
Après la bataille de Blaye - mai 1593
La rencontre des flottes française et espagnole dans la Gironde
Le contexte
Nous sommes en avril 1593 en plein milieu de la 8ème Guerre de religion. Les troupes royales, commandées par le maréchal
de Matignon et appuyées par une escadre anglaise font le siège de la ville de Blaye aux mains des Ligueurs et soutenue par le roi
d’Espagne, Philippe II. Ce dernier a envoyé une escadre d’une quinzaine de bâtiments commandée par l’amiral basque don Pedro
de Zubiaur. Cette escadre remonte la Gironde à la mi-avril et écrase la flotte anglaise le 18 avril entre Blaye et le Bec d’Ambès. Les
Anglais perdent six navires dans la bataille. L’amiral anglais Houghton fait sauter son navire pour ne pas avoir à se rendre. Cette
bataille restera connue sous le nom de bataille de Blaye. Le maréchal de Matignon, avec ses troupes à terre, assiste impuissant au
désastre de ses alliés anglais. Néanmoins, il maintient le siège terrestre de Blaye défendu par François d’Esparbès de Lussan.
C’est alors que le 26 avril, l’envoyé du Roi Henri IV, Duplessis-Mornay, à la Rochelle arrive à convaincre le maire d’armer des
navires le jour même sous la conduite du capitaine La Limaille, commandant les troupes royales en Aunis, et de les envoyer devant
Blaye soutenir les troupes du maréchal de Matignon. La Limaille remplaçait Henri de Coligny, petit-fils de l’amiral, absent ce jour-là.
C’est quelques jours après que se place notre récit, récit raconté par plusieurs narrateurs différents, d’opinions
manifestement différentes. Où se trouve la vérité ? Nul ne le saura probablement jamais. Nota : nous avons cru devoir retranscrire
en modernisant l’orthographe, tant celle-ci était variable à l’époque. Mais à part cela, la forme et le fond du texte ont été respectés.
carte de l'Estuaire au 17e siècle
1er récit
Extrait des Archives historiques du département de la Gironde, T XIII – Charles Lefebvre, Bordeaux, 1872 - No XCVII. - Mai 1593 –
auteur inconnu - Copie informe du temps, sur papier, appartenant à M. le vicomte Jules de Gères- Transcrit par M. Emile Lalanne.
L'armée navale du Roy, conduite par le sieur de Lalimaille, général d'icelle en l'absence de monsieur de Saint-Luc (1) , composée de
douze navires de guerre, partit de la rade de Mescher, le jeudi 30 avril, sur le midi.
Etant à la voile pour s'en aller droit à l'armée espagnole, le sieur de Lalymaille reçut lettre de monsieur le maréchal de Matignon,
par lesquelles il le priait de s'avancer à la même heure ; le sieur de Lalymaille lui écrivit, par le sieur Laysné, pour l'avertir de son
arrivée, de sa résolution et du nombre de vaisseaux qu'il avait.
Ladite armée fut, ce jour là, mouiller l'ancre vis à vis de chenal de Bie, distant de Castillon (2) d'environ une demi-lieue, où elle
demeura toute la nuit. Le lendemain, le sieur de Lalymaille fit, dès le premier flot, mettre à la voile et envoya querir tous les
capitaines de ladite armée, auxquels il communiqua, en présence dudit sieur de Sainct-Duysant et de Clan, l'ordre qu'il lui semblait
qu'ils devaient tenir au combat, lesquels dits capitaines trouvèrent bon, et à chacun d'eux leur fut donné par écrit, comme aussi du
signal qui se ferait à lever et mouiller l'ancre. Ledit sieur de Lalymaille décida de mouiller l'ancre à la portée du canon de l'ennemi,
lequel il le voyait devant lui vis à vis du chenal, affin de l'empêcher qu'il ne puisse se retirer sans le combattre ou de le contraindre
de se jeter dessous Blaye.
Ladite armée à un quart de lieue de Pouillac, ledit sieur de Lalymaille reçut lettre de monsieur le Maréchal de Matignon, par
laquelle il lui donnait avis de l'arrivée de son armée navale à Roque de Tau; que celle des ennemis était au dessous Blaye; qu'il
s'avança seulement jusques à Pouillac et qu'il ne tenta aucun combat jusques à ce que l'armée dudit sieur maréchal fut sur celle
des ennemis, s'il n'y était contraint.
Ladite lettre fit changer la résolution dudit sieur de Lalymaille, lequel ayant vu le commandement que lui faisait monseigneur le
maréchal, prit avis des capitaines de marine qui étaient dans l'amiraI, comme aussi dudit sieur de Saint-Duysant et de Clan, de ce
qu'il avait à faire là-dessus ; lesquels lui dirent que, selon leur avis, il ne devait faire autre chose que ce qu'il lu était commandé, de
peur que s'il advenait quelque mal, il n'en fut blâmé et réprimé ; et étant au dessus de Pouillac cinq cens pas, fit mouiller l'ancre sur
les cinq heures du soir ; il y pouvait avoir encore trois quarts d'heure de flot, qui eussent été assez pour aller jusque à la portée du
canon des ennemis.
Une heure après, les ennemis firent voile, ce que voyant ledit sieur de Lalimaille fit prier Dieu, avec résolution de l'attendre et
combattre. il fut jugé par aucuns que lesdits ennemis voulaient se retirer à Blaye, vu qu'ils avaient le vent qui était Est et qu’il
ventait fort peu, mais était seulement pour prendre leur avantage et se mettre au vu de nous. Au même temps on vit partir de
ladite armée une chaloupe des ennemis qui s'en venait droit à nous; on équipa une chaloupe pour l'envoyer reconnaître et fut
trouvé enfin que c’était un trompette (3) qui venait demander de la part du sieur de Lussan si on voulait combattre ladite armée; à
quoi ledit sieur de Lalymaille fit réponse que oui, et pour le faire connaitre, il commanda à un canonnier de tirer une couleuvrine,
ce qu'il fit; et fut ledit trompette et tous les hommes qui étaient dedans la chaloupe retenus.
On continua à tirer de l'amiral force coups de canon contre lesdits ennemis, qu'on jugea bien se vouloir sauver; et fut par plusieurs
personnes dit qu'il fallait lever l'ancre et faire à la voile comme eux et se laisser dériver, ce qui fut commandé par ledit sieur de
Lalymaille, mais cela fut un peu long, qui fut cause que les ennemis étaient loin du gros de nôtre armée, premier que cela peut être
fait.
Il était impossible que les plus grands de nos vaisseaux pussent aller aux ennemis, pour deux raisons, l'une, qu'il ne faisait presque
point de vent; l'autre, qu'ils eussent été en danger de toucher sur le sable, par où passait l'armée des ennemis, sauf le navire du
sieur de Lussan, qui s'approcha plus près de nous, parce qu'il tirait plus d'eau. Comme nous continuions à dériver avec le jusant et
que l'on se battait à coups de canon, la nuit nous surprit et déjà soleil était couché quand il fut dit, audit sieur de Lalymaille, que
l'armée de l'ennemi avait mouillé l'ancre, à cause que le navire du sieur de Lussan était touché; cela fut cause que ledit sieur de
Lalymaille commanda aussi de mouiller.
Et, ayant sur le champ jugé le contraire et craignant de mettre trop de temps à lever l'ancre, ledit sieur de Lalymaille fit couper le
cable, afin de suivre les ennemis, ce qu'il fit, encore qu'il y eut plusieurs bons mariniers, dans son navire, qui étaient d'avis de
mouiller l'ancre, parce que c'était la nuit et qu'il y avait danger de perdre le navire et les hommes qui étaient dedans, s'il eut touché
en dérivant; il rencontra le vice-admiraI de son armée qu'il aborda sans y penser, parce que c'était la nuit, qui fut cause qu'il fut
contraint de mouiller l'ancre, en attendant le jour. Le lendemain, au matin, nous nous trouvâmes parmi l'armée de monseigneur le
maréchal, près de Castillon, et les ennemis vis à vis de Saint-Seurin, lesquels, aussitôt qu'il y eut descendant, mirent à la voile,
comme nous fîmes; mais les navires ne purent les approcher, sauf la galliotte de monseigneur le maréchal qui leur tirèrent force
canonnades, mais elles ne purent empêcher que l'ennemi ne gagnât le port de Grave, par où il sortit de la rivière de Bordeaux.
notes
(1) ou plutôt Henri de Coligny ?
(2) Castillon est de nos jours rattaché à la commune de St Chritoly du Médoc. Le canal de By existe toujours.
(3) le messager.
2ème récit
Extrait des Archives historiques du département de la Gironde, T XIII – Charles Lefebvre, Bordeaux, 1872 - N° XCVIII - Mai 1593 –
auteur inconnu. - Copie informe du temps, sur papier, appartenant à M. le vicomte Jules de Gères. Transcrit par M. Emile Lalanne.
Monsieur de Saint-Lucayant, par la suggestion de M. Desponde et du capitaine Lalimaille, fait entendre à Sa Majesté qu'il était
expédiant pour le bien de son service, qu'il y eut une armée navale sur les côtes de la Guienne, tant pour empêcher l'Espagnol d'y
entrer que pour lever plusieurs impôts et subsides, obtint facilement de sadite Majesté cette commission en forme d'édit; de
laquelle étant les maire, échevins et pairs de ladite ville de La Rochelle avertis, dépêchent en toute diligence vers sa Majesté le
sieur de La Villaudiere, pour lui représenter la conséquence de cette armée et la supplier, très humblement, que son bon plaisir fut
de vouloir révoquer cette commission qui se trouverait non seulement inutile, mais grandement préjudiciable à son service,
attendu que, par convenance expresse, sa Majesté, de cinq ans n'en doit tirer aucun profit; et d'autant, que le capitaine Lalimaille,
avec quelques vaisseaux qu'il avait ramassé, tenait la rade de Chefdeboys (4) , travaillant, par plusieurs exactions (5), les navires
marchands qui venaient en ladite ville et jusques aux barques qui y amenaient des fagots et farines, d'où s’ensuivait une grande
cherté de vivres en icelle.
Les maire et échevins, qui bien ne pouvoir sur leurs remontrances avoir si tôt justice au conseil privé du Roy, pour les très
importantes affaires et grandes occupations de celui-ci, ont recours à messieurs de la cour de parlement, où ayans obtenu défense
à Lalimaille de ne lever aucuns deniers, par vertu dudit édit non vérifié, d'autant qu'au mépris de l'autorité de la cour, il continuait,
ils sont contraints de repousser par force la violence de Lalimaille et s'armer pour cet effet, ce qu'ils entreprennent avec d'autant
plus grande hardiesse, qu'ils n'avaient eu communication des lettres patentes du Roy, ni en commandement aucun particulier de sa
Majesté, pour admettre et souffrir les dits impôts ce qui leur succède (6) tellement que Lalimaille est contraint de quitter la rade de
Chefdeboys.
A peine il s'était retiré, quand lesdits maire et échevins reçurent avis, le vingt-quatre du mois d'avril dernier, que l'armée navale
d'Espagne était entrée en la rivière de Bourdeaux. Sur lequel avis ils s'arment en toute diligence et équipent en guerre jusques au
nombre de quatorze à quinze vaisseaux, de quatre cents tonneaux ou environ et leurs trois galiottes, sur tous lesquels vaisseaux ils
mettent le plus grand nombre d'artillerie de fonte verte qui leur est possible, et en chacune des galiotes une couleuvrine et sur tous
lesdits vaisseaux, mille a douze cents hommes, tirés tant de ladite ville de La Rochelle que de l'isle de Ré.
Et d'autant qu'il était facile à juger qu'entre les vaisseaux de La Rochelle et ceux de Lalimaille, qui s'était retiré en la rivière de
Bordeaux, il y pourrait naître de la division, mêmement pour le commandement, à cette cause, fut Madame de Chastillon suppliée
par lesdits maire et échevins vouloir permettre que monsieur l'amiral de Guyenne, son fils, s'embarqua en cette armée pour y
commander. Et combien que le bas âge de monsieur son fils lui fournit d'assez amples excuses, néanmoins, jugeant de combien il
importait au service de sa Majesté qu'en une telle affaire toute division cessa, elle leur accorda facilement la personne de mondit
sieur son fils. Tellement que mondit sieur l'amiral de Guyenne s'embarqua semblablement en personne, dès le jour de mercredi,
vingt-huitième dudit mois, rendant témoignage certain de la magnanimité et grandeur de courage auquel il a succédé à feu
monsieur l'amiraI de Guyenne, son père.
Le vent fut si peu favorable à l'armée commandée de mondit sieur l'amiral qu'elle fut contrainte de relâcher à La Pallice, jusques au
samedi suivant, premier jour de mai, que le vent, un peu adouci, la poussa jusques près de l'entrée de la rivière. Et le lendemain,
qui fut le dimanche, second jour de mai, ladite armée arriva à Royan, où mondit sieur l'amiral étant, il fut averti que l'Espagnol, sur
l'avis qu'il avait eu de l'embarquement de ladite armée, s'était retiré de la rivière. Et s'étant informé d'une si fâcheuse et inopinée
retraite, il trouva que l'Espagnol s'était retiré sous la faveur que Lalimaille lui avait donnée, alors qu’il était fort facile d'en empêcher
la sortie, s’il eut voulu se mettre en son devoir; que Lalimaille, bien qu'il eut moyen de combattre en cette extrémité et voyant
l'ennemi sur lui jusques à la portée du mousquet, il ne l'aurait voulu faire et au contraire fait défenses de n'attaquer et encore
moins pour venir à bord et pour ce, fait poser leurs ancres.
Ce que voyant d’aucuns (7) soldats de son équipage, d’aucuns de dépit qu'ils avaient qu'une si belle occasion se perdit, en auraient
jetté leurs armes en mer, jurant qu'ils ne porteraient jamais les armes sous la charge de Lalimaille; les autres auraient coupé le
câble pour faire dériver le vaisseau dudit Lalimaille sur ceux de l'ennemi, ce que ayant Lalimaille apperçu, fait jeter une autre ancre
et envoie faire commandement à tous ses vaisseaux de poser l'ancre et n'aborder point.
Sitôt que l'Espagnol se fut retiré, il se retira aussi, et rencontrant l'armée de monsieur l'amiral de Chastillon, passa au-dessus de lui,
sans aucun respect et ne plia son pavillon, bien qu'il eut promis de le faire. La facilité que l'Espagnol a trouvé en sa retraite lui a
donné le moyen de d’envisager un second retour, auquel ceux de La Rochelle auront plus de moyens de lui nuire qu'ils ont eu,
fortifiés de douze vaisseaux de guerre des Etats d'Hollande, qui sont à Ches-de-Bois, qui ont fait promesse audit maire et eschevins
de ne bouger des côtes, de deça de quatre mois, tellement que ce corps d'armée subsistant, il y a moyen de le grossir de ce nombre
de vaisseaux, qui se pourront arriver, si sa Majesté en donne le moyen.
notes
(4) Chef-de-Baie.
(5) Lalimaille taxait, au nom du Roi, les bateaux entrant au port.
(6) ici, dans le sens de "réussir".
(7) dans le sens archaïque de "certains, plusieurs".
3ème Récit
lettre de M. de Vic à M. de Duplessis-Mornay - Extrait des Mémoires et correspondance de Duplessy-Mornay, T5, 1593-159
… Il y a six jours tantôt que je suis arrêté ici [à la Rochelle] pour disposer MM. les maires et échevins à donner quelque notable
secours contre l'armée navale d'Espagne, qui, dès jeudi dernier, fut vue devant Talmont en nombre de vingt voiles, et mouillèrent
l'ancre à Méché, attendant la première commodité pour donner à Blaye. Ladite armée ne saurait porter plus de quinze ou dix huit
cents hommes, n'étant le plus grand de leurs navires que de sept ou huit vingt tonneaux (8) .
On a avis qu'à Saint Ander, en la côte de Biscaye, dont elle est partie, s'en prépare une autre de seize grands navires, et quatre ou
six galères pour la suivre de près; de sorte que si elles se peuvent joindre, elles partiront ensemble: ce qui ne leur pourra être
empêché. Lesdits sieurs de ceste ville ne se résolurent, au commencement, qu'à défendre l'isle de Ré, tant pour n'avoir aucuns
grands vaisseaux, qu'ainsi pour les grandes défiances qu'ils ont du sieur de La Limaille. Enfin, après l'élection d'ung nouveau maire,
qui fut faite hier de la personne de M. du Jon (où je me trouvais), on avisa d'armer tout ce qui se pourra, et aller attaquer ladite
armée; et m'assura qu'avec l'aide de Dieu, si elle n’est hors de la rivière dans demain au soir, elle m'en sortira que par pièces.
J’estime qu'il partira de cette ville sept ou huit bons navires et trois galiotes, mieux armés et pourvus de toutes choses nécessaires
que l'Espagnol ne croit, et me promets que le tout sera prêt dans ce jour, et sortira du port, s'il est possible.
M. de Chastillon y doit aller en personne, pour ôter les contentions (9) qui pourraient naître pour le commandement entre cette
armée et celle du sieur de La Limaille. M. Gargouillaud commandera les galiotes, et n'y a aucun des galans (10) et braves qui ne
veuille être de la partie. J'ai dépêché audit sieur de La Limaille (avec lequel j'avais conféré pour l'accommoder avec ceste ville). Il
s'est embarqué, et est à la vue de l'armée ennemie. J'ai obtenu qu'il pourra prendre ici plusieurs choses qui lui étaient nécessaires.
M. de Retonille lui a baillé quatre ou cinq cents hommes de guerre ou matelots, qui me fait croire que, s'ils les peuvent joindre;
l'Espagnol ne fera pour ce coup aucune conquête, comme il se promettait.
J'ai donné avis de tout ce que dessus à M. le maréchal, qui m'avait envoyé homme exprès pour faire embarquer ce qui se pourrait
de ce côté. Par ce moyen, il sera servi dudit sieur de La Limaille, qu'il avait toujours rejeté; et ces messieurs s'apprivoisent avec celui
qu'ils ont voulu combattre. Bien est vrai qu'ils désirent de lui quelque assurance, laquelle j'ai envoyé quérir, afin qu'il ne se parle en
cette assemblée que de combattre les ennemis de la France; mais j'espère que cela n'empêchera leur embarquement. Etant à
Marennes, où j'eus le premier avis de l'acheminement de ladite armée navale , je dépêchai à M. du Masser pour assembler ses
forces.
Il me manda hier de Saintes, où il s'est rendu, qu'il a plus de deux cents chevaux, et mille ou douze cents soldats, avec lesquels il
s'achemine sur la côte, et s'assure que ce nombre doublera dans deux jours. On me persuade que le service de cette ville sera
tardif, si je n'en vois l'embarquement. Les principaux m'ont proposé de retarder mon partement . L'affaire est de telle importance,
qu'ayant employé tout ce peu que j'ai d'industrie, je diffère jusques à l'effet de ce qu'on m'a promis que j'espère dans demain pour
tout le jour. De quoi, monsieur, j'ai voulu vous donner avis, et vous supplier toujours me continuer vos bonnes grâces , et me croire,
monsieur, après vous avoir bien humblement baisé les mains, vôtre très humble et très affectionné serviteur,
notes
A La Rochelle, le 26 avril 1593.
(8) soit 140 ou 180 tonneaux.
(9) pour "querelles".
(10) pour "bien élevé".
4ème récit
Extrait de l’Histoire politique civile et religieuse de la Saintonge et l'Aunis, par D. Massiou – Lance, Paris, 1836.
Vers la fin de l'année précédente, le maréchal de Matignon, commandant pour le roi en Guienne, avait, à la sollicitation des
Bordelais, mis le siège devant le château de Blaye. La garnison ligueuse de cette place, commandée par Jean-Paul d'Esparbez de
Lussan , entravait journellement, par ses pirateries, la navigation de la Gironde.
Déjà le maréchal était maître du faubourg. D'Esparbez, serré de près, demandait du secours de tous côtés. Il allait être forcé dans le
château, lorsque François de la Motte, baron de Castelnau, gouverneur de Marmande pour la Sainte-Union, lui envoya cent
arquebusiers et vingt piquiers, commandés par Jean-le- Goust de Lihoux, la Rivière et Jacques Gillet, qui parvinrent, non sans peine,
à se jeter dans la place. Une flotte anglaise vint, sur ces entrefaites, croiser dans la Gironde pour favoriser les opérations du
maréchal de Matignon, mais peu de jours après, seize vaisseaux espagnols arrivèrent à la vue de cette escadre, et la forcèrent de
remonter le fleuve jusqu'au Bec d'Ambès, où s'engagea un combat très-vif, à la suite duquel les Anglais vinrent mouiller à
l'embouchure de la Gironde , pour barrer le passage aux Espagnols et les bloquer dans le fleuve en attendant du renfort.
Le maréchal de Matignon eut alors recours aux Rochelais par l'entremise du capitaine Limaille qui commandait pour le roi en Aunis.
En moins de dix jours, trois galiotes et quatorze vaisseaux de guerre, équipés aux frais de la commune, furent en état de prendre la
mer et mirent à la voile sous le commandement de Henri de Coligny petit-fils de l'amiral. Mais ils furent retardés en rade de la
Palisse par des vents contraires, et lorsqu'ils arrivèrent à l'entrée de la Gironde, les Espagnols, instruits de leur approche, avaient
forcé le passage et regagné la haute mer.
5ème récit concernant la personnalité de La Limaille
Extraits du Journal de Henri III. Roy de France & de Pologne, ou, Memoires ..., Volume 5, par Pierre de l’Estoile – Pierre Gosse,
LaHaye, 1844.
Jean-Robert la Limaille, dit le Capitaine la Limaille, mourut aulit d'honneur au Siège d'Amiens en 1597 & il avait déjà précédemment
rempli tous les devoirs d'un excellent Chef, & d'un fort brave homme au combat d'Oléron en 1585. Cependant , sous ombre que
c'était un Soldat de fortune, ou plutôt un Huguenot , Bourgeois de la Rochelle, le Maréchal de Matignon , qui avait manqué de
prendre Blaye en 1593. voulut en rejeter la faute sur la Limaille , en ce qu'avec une Flotte de quinze Navires, de laquelle les
Rochelois l’avaient fait Amiral, & avec quelques Vaisseaux Anglois & Hollandais, il n'avait pas empêché les Espagnols de jeter du
secours dans la Place, mais la Limaille s'en excusa, sur ce que les vents lui avaient été contraires. Et si l'on en croit d’Aubigné, sa
justification ne se fit pas sans que la réputation du Maréchal en reçût une atteinte considérable, la Limaille ne s'étant pas contenté
de produire en sa faveur deux Lettres de la Cour, qui lui défendaient tout combat , mais ayant fait voir de plus par les règles de la
Marine, que même il n'aurait pu combattre sans une entière défaite.
6ème récit
Extrait de l’Histoire de France de Gabriel Daniel, t 13, de Gabriel Daniel – Amsterdam, 1742
Peu de jours après, parut la Flotte d'Espagne composée de seize gros navires, montant par l'embouchure de la Garonne, à la faveur
du vent & de la marée. Les Anglais & les Hollandais les attendirent. Le combat fut violent: deux vaisseaux Anglais furent brulés, &
trois des Espagnols pris. Ceux-ci auraient fans doute remporté la victoire, G le Maréchal ayant fait conduire douze canons sur le
rivage, ne les eût obligés par ce nouveau feu, à se laisser aller au courant de la rivière pour prendre le large.
Trois semaines se passèrent sans autre action entre les deux Flottes, tandis que les assiégés par leurs continuelles sorties
fatiguaient beaucoup les assiégeants. Dans cet intervalle le Maréchal fit armer quinze vaisseaux au Port de Bordeaux, & le Capitaine
la Limaille, fameux homme de mer de ce tems-là, lui avait promis de venir par l'embouchure dé la rivière avec une Escadre qu'il
commandait, attaquer les Espagnols, dans le même tems que les vaisseaux de Bordeaux, les Anglais & les Hollandais tomberaient
de leur côté fur eux. Le Maréchal monta lui-même fur le meilleur vaisseau au jour marqué, & alla livrer bataille aux Espagnols. Il
leur coula à fond quatre galions, dispersa le reste; et si la Limaille fût arrivé, il n'en serait pas échappé un seul : mais soit par
trahison, comme quelques-uns le soupçonnèrent, soit par le défaut d'un vent favorable, ainsi que la Limaille l'assura, il manqua au
rendez-vous.
A quelques jours de là, les Espagnols s'étant reconnus, entrèrent dans la rivière pendant une nuit fort obscure, & jetèrent dans la
Place des vivres, des munitions & des Troupes fraîches. Ce nouveau secours fit désespérer au Maréchal de la prise de Blaye, & après
avoir fait retirer son canon des batteries, il leva le siège. Il y perdit un assez grand nombre de soldats, surtout du Régiment de
Royan.
Le maréchal de Matignon au sacre de Henri IV
Dans la cathédrale de Chartres, à défaut de Reims, le
roi à genoux, tenant le sceptre en main droite et la main de
justice en main gauche, fait l'objet des cérémonies du sacre.
A sa droite, par rapport au spectateur, l'évêque de
Chartres officie. Derrière lui, à gauche, les six pairs
ecclésiastiques. Au premier plan, à gauche du roi, le
chancelier Hurault. A droite de l'évêque, Matignon, faisant
fonction de connétable, tient dressée l'épée de France. Les
six pairs laïcs sont assis de part et d'autre sur le devant de la
scène. La reine Marguerite, depuis longtemps séparée
d'Henri IV, mais pas encore démariée est postée à la tribune
dans l'axe visuel et central de l'image.
Les actes essentiels de la cérémonie ont déjà eu lieu : serment royal, onction, remise de l'épée et des insignes de justice et de
souveraineté, bénédiction de la couronne. Il ne reste plus à Henri qu'à se faire introniser et acclamer par la foule.
La gravure donne une image d'harmonie qui préfigure l'unité du royaume que le souverain veut restaurer.