Bordeaux Aquitaine Marine
Meurtres en série sur l’Alexandre - 1837
extrait de : Charles d' Héricault - Histoire nationale des naufrages et aventures de mer - Gaume, Paris, 1879
«
MM.
Michel
Marsaud
et
Cie,
de
Bordeaux,
armateurs
du
navire
l'Alexandre
,
du
port
de
295
tonneaux,
l'expédièrent
en
juin
1837
pour
Batavia.
L'équipage
était
composé
de
dix-sept
hommes.
Louis
Bouët,
dit
Dubois,
qui,
depuis
longtemps,
jouissait
de
la
confiance
de
ses
armateurs,
et
la
méritait
à
tous
égards,
était
le
capitaine
;
Benoît
Marsaud,
cousin
de
Michel
Marsaud,
commandait
en
second
le
navire.
Aucune
mésintelligence
n'éclata
entre
eux
pendant
la
traversée,
et
l'Alexandre
arriva
à
Batavia
le
2
octobre.
Le
29,
il
en
partit
pour
compléter
son
chargement
à
Samarang,
d'où
il
appareilla
le
15
novembre,
avec
une
cargaison d'environ 600,000 francs de valeur.
Huit
ou
dix
jours
furent
employés
à
passer
le
détroit
de
la
Sonde.
Enfin
on
gagna
la
pleine
mer,
et
le
27
novembre
1837
les
premiers
rayons
du
soleil
éclairèrent l'épouvantable drame que nous allons essayer de raconter.
L'infortuné
Bouët,
capitaine
du
navire,
prit
le
quart
à
quatre
heures
du
matin.
Une
demi-heure
après,
il
appela
le
cuisinier
Leclair,
et
lui
donna
ordre
de
faire
le
thé.
Celui-ci
se
rendit
à
sa
cuisine,
et
il
en
sortit
bientôt
pour
prendre
de
l'eau
au
charnier.
Au
même
moment,
plusieurs
hommes
de
l'équipage
se
portèrent
sur
le
pont.
Un
grand
bruit
se
fit
entendre,
et
le
capitaine
fut
saisi
à
l'improviste
et
jeté
à
la
mer.
C'était
un
coup
monté
;
le
maître
d'équipage,
André,
qui
venait
d'être
témoin
de
l'attentat,
descendit
précipitamment
pour
chercher
main-forte.
Il
trouva
la
cabine
du
lieutenant
Morpain
barricadée
:
il
l'ouvrit,
s'empara
d'un
couteau
et
annonça
à
Morpain
que
le
capitaine
venait
d'être
tué.
Le
lieutenant
s'arma
d'une
barre
de
sabord,
et
tous
deux
montèrent
sur
le
pont.
Un
instant
auparavant,
un
coup
de
pistolet
avait
été
tiré,
et
le
tumulte
paraissait
à
son
comble
;
le
lieu¬tenant
s'approcha
de
la
dunette
et
demanda
à
Marsaud
où
était
le
capitaine;
la
même
question
fut
adressée
en
même
temps
à
Marsaud
par
le
mousse
Bally,
qui
le
prit
par
le
pan
de
sa
capote.
Marsaud,
sans
rien
répondre,
écarta
le
mousse,
saisit
Morpain
par
les
reins
et
le
jeta
par-dessus
le
bord,
avec
l'aide
des
matelots
Audrezet,
Sandey
et,
de
l'Anglais
Gording.
Le
lieutenant
ne
tomba
pas
de
suite
à
la
mer
;
il
s'accrocha
des
pieds
et
des
mains
au
plat-bord,
mais
Marsaud
lui
fit
lâcher
prise,
et
le
malheureux
fut
bientôt
englouti.
Les
assassins
se
portèrent
immédiatement
du
côté
de
tribord,
se
saisirent
du
matelot
Bertrand
Andouy,
qui
faisait
quelque
résistance,
l'entraînèrent
violemment
sur
l'arrière et le jetèrent à la mer du haut de la dunette.
Le
maître
André
accourut
armé
d’un
solide
couteau
;
une
lutte
affreuse
s'engagea
entre
lui
et
les
assassins
du
capitaine,
Gording
l'assommait
à
coups
de
crosse
de
pistolet,
un
autre
le
piquait
avec
un
orin,
Audrezet
et
Sandey
prêtaient
main
-forte
et
ne
tardèrent
pas
à
mettre
André
hors
de
combat
;
il
réussit
à
blesser
un
de
ses
bourreaux.
Quand
il
vit
couler
le
sang
de
Sandey
«
Maintenant,
s'écria-t-
il,
vous
pouvez
me
jeter
à
l'eau
».
Ses
vœux
furent
bientôt
exaucés,
Gording
lui
arracha
son
couteau
et
le
précipita
dans
la mer.
Après
ce
quatrième
meurtre,
Gording
courut
sur
l'avant
et
cria
d'une
voix
forte
à
ceux
qui
se
trouvaient
dans
le
poste
:
«
Allons,
vous
autres,
montez
»
Le
novice
Dosset
monta,
et
Gording
le
conduisit
à
l'arrière
pour
le
jeter
par-
dessus
le
bord
;
ce
jeune
homme
se
prosterna
à
genoux,
lui
demanda
grâce,
offrit
une
obligation
de
20,000
francs
à
ses
bourreaux,
supplia
de
lui
laisser
le
temps
d'écrire
à
sa
famille.
«Non
!
non!»
répondit
Marsaud;
et,
malgré
le
désespoir
de
cet
enfant,
Gording
et
Audrezet
le
lancèrent dans les flots, où il disparut sans faire un mouvement.
Ces
horribles
exécuteurs
se
dirigèrent
ensuite
vers
Lemoine,
autre
enfant
de
dix-sept
ans,
qui
implora
la
pitié
de
Marsaud,
en
disant
qu'il
n'avait
rien
fait. Quelques mots s'échangèrent alors en anglais entre Marsaud et Gording. Lemoine fut épargné pour cette fois.
Il
était
temps
de
reprendre
haleine
;
Marsaud
ordonna
qu'on
servît
le
thé
;
on
y
mit
beaucoup
d'eau-de-vie.
On
était
descendu
à
la
chambre,
chacun
se
vantait
de
ce
qu'il
venait
de
faire.
Là,
on
apprit
que
c'était
Marsaud,
Audrezet
et
Gording,
qui
avaient
pris
le
capitaine
sur
la
dunette,
et
qui
l'avaient
jeté
à
la
mer
;
que
le
capitaine
en
tombant
s'était
accroché
à
un
montant
de
tente,
et
que,
pendant
que
Marsaud
lui
détachait
les
mains,
il
l'appelait
à
son
secours,
en
lui
disant
«
Marsaud,
ce
sont
mes
mains
que
tu
largues
»
;
qu'enfin,
c'était
Raymond,
novice
de
dix-neuf
ans,
qui
avait
tiré
le
coup
de
pistolet
sur
le
maître
André,
au moment où celui-ci descendait dans la chambre et venait délivrer le lieutenant Morpain.
Le
2
décembre,
le
navire
l'Alexandre
éprouva
un
coup
de
vent.
Ses
voiles
furent
défoncées
ou
emportées.
Le
navire
ne
gouvernait
que
difficilement.
Une
grande
quantité
d'eau
avait
pénétré
par
la
chambre
et
les
sabords
et
causé
des
avaries
à
la
cargaison.
Pour
faciliter
la
manœuvre,
il
fallut
jeter
à
la
mer
des
cafés et de l'étain.
Cet
événement
fournit
à
Marsaud
le
moyen
d'expliquer
plus
tard
la
mort
des
hommes
jetés
à
la
mer
le
27
novembre.
Il
fut
ainsi
convenu
qu'on
pourrait
dénaturer et exagérer ces faits.
Mais
ils
ne
se
décidèrent
à
rédiger
l'acte
de
décès
des
hommes
assassinés
qu'après
avoir
commis
un
nouveau
crime
sur
la
personne
du
jeune
Lemoine,
victime
réservée.
Le
5
décembre,
vers
les
sept
heures
du
soir,
cet
infortuné
jeune
homme,
qui
avait
toujours
les
yeux
pleins
de
larmes,
était
dans
la
chambre
avec
Leclair,
Bailly
et
le
blessé
Sandey,
lorsque
Marsaud
l'appela,
le
fit
monter
sur
le
pont
et
lui
ordonna
de
retirer
la
barre
d'anspect
qui
était
sur
la
dunette.
Mais au moment où le malheureux enfant se baisse pour obéir à Marsaud, il est saisi par Gording qui le précipite dans la mer.
C'est
alors
seulement
que
fut
dressé
par
Marsaud
l'espèce
de
procès-verbal
qui
attribue
à
un
coup
de
mer
du
2
décembre
la
mort
des
six
hommes
assassinés.
Le
lendemain,
6
décembre,
l'horrible
Gording
dut
subir
la
peine
du
talion.
Il
avait
manifesté
l'intention
de
réduire
l'équipage
à
trois
personnes,
savoir
:
lui
Gording,
Marsaud
et
Andrezet
;
mais
ses
complices
le
prévinrent.
En
le
faisant
boire
plus
qu'à
l'ordinaire
un
mélange
de
vin
et
d'eau-de-vie,
ils
rendirent
plus
facile
l'accomplissement
de
leur
dessein.
Vers
le
soir
Marsaud
commanda
une
manœuvre,
et
pendant
qu'il
l'exécutait,
le
matelot
Lagardère
et
lui
forcèrent
Gording
à
lâcher
prise
et
à
tomber
à
l'eau
en
dehors
du
couronnement.
Cet
Anglais
nageait
à
merveille
;
il
supplia
de
lui
faire
grâce,
en
criant
«
Marsaud
I
Marsaudl je ne boirai plus ». Mais il ne put atteindre le navire et il disparut à son tour sous les flots.
Le
même
jour
et
avant
la
mort
de
Gording,
Marsaud
et
Raymond
coupèrent
le
grand
mât
de
l'Alexandre
,
sans
autre
nécessité
que
celle
de
simuler
des
avaries,
pour
justifier
le
procès-verbal
mensonger
du
2
décembre.
Quelques
jours
après,
Marsaud
fit
ouvrir,
dans
la
même
intention,
une
voie
d'eau
à
bâbord,
au-dessous de la ligne de flottaison. Il fit aussi jeter à la mer ou endommager quelques objets mentionnés comme avariés ou perdus.
Aussitôt
après
l'assassinat
des
premières
victimes,
leurs
dépouilles
et
les
effets
à
leur
usage
furent
distribués
à
ceux
qui
avaient
pris
une
part
active
aux
attentats. Marsaud prit le commandement du navire et le novice Raymond devint son lieutenant.
Mais
à
la
vue
de
l’île
Maurice
où
il
y
avait
nécessité
de
relâcher
pour
réparer
les
avaries
faites,
Marsaud
jugea
prudent
de
remettre
dans
les
sacs
des
hommes assassinés une partie de leurs effets, afin de pouvoir au besoin représenter leurs inventaires.
Toutes
ces
précautions
prises,
le
navire
l'Alexandre
arriva
à
Maurice
le
15
décembre.
Le
lendemain,
les
actes
de
décès
furent
fabriqués,
et
on
les
soumit
au vice-consul de Port-Louis qui les visa sans difficulté.
Là,
le
navire
fut
réparé
:
les
dépenses
s'élevèrent
à
75,000
francs.
Un
emprunt
à
la
grosse
fut
contracté.
Une
partie
de
la
cargaison
fut
vendue
au
préjudice
des
armateurs
et
en
fraude
des
droits
de
douanes,
de
compte
à
demi
et
d'intelligence
avec
les
employés
de
l'administration.
Enfin
Marsaud
obtint
du
vice-consul
un
supplément
d'équipage,
et
fit
passer
par-dessus
le
bord
trois
Anglais
déserteurs,
un
Américain
et
deux
femmes
de
couleur,
au
nombre
desquelles
était Adeline Paris, qui était venue le rejoindre à Brest.
L'Alexandre
quitta
Maurice
avec
ses
papiers
de
bord
visés
pour
Bordeaux.
Mais
Marsaud
fit
effacer
sur
le
rôle
le
mot
Bordeaux
et
substituer
par
Ray¬mond,
à
ce
mot,
ceux
de
Boston
et
autre
port.
Il
se
dirigea
vers
Newport
où,
espérant
ne
pas
trouver
de
consul,
il
pensait
pouvoir
se
défaire
plus
facilement de sa cargaison et de son navire.
Le
20
mai
1838,
il
mouilla
devant
cette
ville.
Là,
contre
son
attente,
Marsaud
trouve,
dans
la
personne
de
M.
Gouraud,
un
vice-consul
plein
d'intelligence, de courage et d'énergie, sans lequel tous les crimes qui viennent d'être racontés fussent demeurés inconnus et impunis.
Cet
agent
consulaire
apprit
à
la
douane
que
Marsaud
n'avait
ni
manifeste,
ni
acte
de
francisation,
et
des
bruits
sinistres
coururent
aussitôt
sur
son
compte.
M.
Gouraud,
ne
le
voyant
pas
venir
à
son
consulat,
alla
au-devant
de
lui
et
lui
demanda
ses
papiers.
Dès
qu'il
les
vit,
il
reconnut
que
le
rôle
avait
été
falsifié.
Marsaud
voulut
partir
aussitôt
pour
Boston.
Le
vice-consul
s'y
opposa
et
obtint
qu'une
goêlette
américaine
fut
embossée
près
de
l'Alexandre
,
pour
rendre
impossible
le
départ
de
ce
navire.
Marsaud
l'accabla
d'injures
et
de
menaces
de
mort.
A
l'occasion
de
ces
menaces,
le
vice-consul
obtint
contre
Marsaud
un
ordre
d'arrestation,
et
saisit
son
navire
au
nom
du
roi.
La
fille
Paris,
sous
prétexte
de
chercher
à
bord
quelques
effets
à
l'usage
de
Marsaud,
emporta
de
sa
chambre
un
sac
d'or
du
poids
de
45
à
50
livres,
et
deux
boîtes
de
diamants
d'une
valeur
de
25
à
30,000
francs
;
mais
elle
les
confia
à
un
Hollandais
nommé
Seyler qui faillit en dépouiller Marsaud.
Poursuivi
à
temps,
il
restitua
l'or,
mais
il
remit
les
diamants
à
la
douane,
espérant
en
avoir
la
moitié
comme
dénonciateur
;
et
par
ce
moyen,
grâce
aux
soins de M. Gouraud, les diamants ont été conservés pour les héritiers du capitaine Bouêt, qui en était propriétaire.
Le
4
juin,
M.
Casy,
commandant
du
vaisseau
l'Hercule
arriva
à
Newport.
Il
fit
sommation
à
Marsaud
et
à
son
équipage
de
rejoindre
leur
bord
pour
retourner
en
France.
Marsaud
refusa
en
se
faisant
retenir
en
prison
pour
une
prétendue
dette
envers
le
geôlier
ou
ses
avocats
;
et,
pour
sauver
l'
Alexandre
et
sa cargaison, M. Casy en donna le commandement à son neveu qui le ramena à Bordeaux et en fit la remise aux armateurs.
Dès
que
l'Hercule
fut
parti,
les
complices
de
Marsaud,
détenus
pour
dettes
imaginaires,
furent
remis
en
liberté
et
se
rendirent
à
New-York,
où
on
eût
pu
les
faire
arrêter
comme
déserteurs
;
mais
à
cette
époque,
la
France
n'avait
dans
ce
port
aucun
bâtiment
de
guerre.
Il
fallut
donc
attendre,
et
pendant
ce
temps Sandey, Andrezet, Lagardère et Vallée, matelots de l'Alexandre , disparurent.
Marsaud,
qui
avait
été
mis
en
liberté
sous
la
prévention
de
piraterie
dirigée
contre
lui,
par
suite
de
l'incompétence
déclarée
par
le
juge
du
district
de
Providence,
mais
qui
était
toujours
détenu,
faute
de
caution,
sur
la
demande
que
le
vice
-consul
avait
imaginé
d'intenter
contre
lui
en
paiement
d'une
somme
de 130,000 francs, faisait aussi des efforts pour s'évader. Raymond lui avait acheté une embarcation pour l'enlever à Newport.
Ces
tentatives
échouèrent.
Raymond
et
les
deux
mulâtresses
se
rejoignirent
à
New-York.
C'est
alors
que
la
frégate
la
Didon
,
commandée
par
M.
La
Grandais,
arriva
sur
rade.
Marsaud,
libéré
de
l'action
civile
qui
le
retenait
à
Newport,
se
rendit
auprès
de
Raymond.
M.
le
comte
de
Laforest,
consul
général,
ne
perdit
pas
un
instant,
et
obtint
un
mandat
d'amener
contre
Marsaud,
Raymond
et
Bally,
qui,
conduits
aussitôt
à
bord
de
la
Didon
,
furent
plus
tard
transférés
sur la Bergère , qui les a déposés enfin dans la maison d'arrêt du port de Brest.
Tels
sont
les
faits
à
raison
desquels
une
accusation
capitale
est
portée
contre
Benoît
Marsaud,
âgé
de
vingt
et
un
ans,
et
Jean
Raymond,
âgé
de
trente-
deux ans.
Marsaud
est
un
homme
de
haute
stature
;
sa
figure
exprime
une
fierté
farouche
;
son
attitude
est
raide
;
son
teint
est
jaune
et
cuivré
;
d'épais
favoris
noirs
entourent
son
visage
;
ses
sourcils
sont
larges
et
bien
arqués.
Un
de
ses
yeux
est
beaucoup
plus
grand
que
l'autre
et
porte
une
large
taie.
Il
s'exprime
avec
facilité et joint un geste énergique à sa diction.
Dans
l'information
écrite,
il
a
tout
nié.
Aujourd'hui
il
change
complètement
de
système
;
il
avoue
les
assassinats,
les
vols,
les
faux
commis,
mais
il
dit
n'avoir
été
que
l'instrument
des
chefs
du
complot.
On
l'a
chargé
de
tuer
Gording,
et
Gording
est
le
seul
qu'il
ait
jeté
à
l'eau.
Raymond
a
dirigé
tout
le
reste.
Raymond,
ajoute-t-il,
ne
dira
pas
le
contraire
devant
moi,
c'est
lui
qui,
étant
de
quart
avec
le
capitaine,
vint
me
dire
«Levez-
vous
vite,
les
matelots
se
révoltent».
Je
l'ai
vu
courir
sur
le
maître
avec
un
pistolet.
Bellegon
avait
aussi
un
pistolet.
Gording
et
Andrezet
le
secondaient
;
c'étaient
des
hommes
de
force
athlétique,
et
ils
m'avaient
inspiré
une
telle
terreur,
que,
dans
la
crainte
d'être
moi-même
leur
victime,
après
les
avoir
vu
jeter
à
la
mer
les
six
premiers
hommes,
je
me
décidai
à
leur
donner
un
gage
de
mon
alliance,
en
consentant
à
participer
moi-même
au
meurtre
du
matelot
anglais
Gording.
C'était
le
plus
redoutable de tous. Raymond nous dit : Je vais prendre un bon moyen pour nous en défaire ; et il fut chercher de l'eau-de-vie.
Marsaud
ajoute
qu'après
la
mort
de
Gording,
il
fut
résolu
de
partager,
entre
l'équipage,
le
navire
et
la
cargaison.
Il
y
eut
plusieurs
débats
sur
le
règlement
des
parts
;
chacun
voulait
avoir
30,000
francs.
Raymond
exigeait
50,000
francs.
Tous
avaient
arrêté
que
la
vente
se
ferait
en
fraude
des
lois.
Aussi,
à
Maurice, tout le monde s'occupait de cette vente, le cuisinier lui-même ; et l'argent était remis à Marsaud.
Raymond
est
d'une
taille
ordinaire
;
ses
traits
sont
doux
et
calmes
;
ses
grands
yeux
noirs
sont
baissés
;
sa
figure
est
pâle
et
maigre
;
il
s'avance
d'un
air
modeste, il est vêtu d'une redingote bleue.
L'accusé
persiste
dans
son
premier
interrogatoire.
Il
présente
les
faits
comme
il
les
a
déjà
racontés
à
M.
le
commissaire
rapporteur.
Il
entre
dans
tous
les
détails
des
crimes
;
il
avoue
avoir
tiré
le
coup
de
pistolet,
mais
c'est
Marsaud
qui
lui
a
commandé
d'agir,
et
il
a
tiré
de
manière
à
ne
pas
atteindre
le
maître.
Il
n'a
pris
part
à
aucun
des
assassinats
;
toutefois,
pour
ne
pas
être
sacrifié
lui-même,
il
a
fait
tout
ce
que
lui
a
prescrit
Marsaud.
C'est
ainsi
qu'il
l'a
aidé
à
couper
le
mât
d'artimon,
qu'il
a
percé
le
navire
pour
pratiquer
une
voie
d'eau,
qu'il
a
falsifié
le
rôle,
etc.
Du
reste,
le
récit
de
Raymond
concorde
presque
en
tous
points
avec les déclarations écrites du mousse Bally et du cuisinier Leclair ».